Le principe du pianoforte – corde frappée par un marteau libre – n’est pas une découverte du XVIIIe siècle. Au Moyen Age déjà, on connaissait le tympanon, dont la forme était celle du psaltérion, mais dont les cordes étaient frappées par deux baguettes et non pincées comme sur ce dernier. On l’utilise de nos jours encore dans la musique populaire des Alpes et des Balkans : c’est le cymbalum. Vers 1700, une forme agrandie du tympanon fit parler d’elle : le pantaléon. Plusieurs témoignages écrits, depuis le traité de Henri-Arnaut de Zwolle (1440) et jusque vers le début du XVIIIe siècle, font des allusions peu claires aux instruments à clavier pourvus d’un mécanisme à marteaux. Cela nous amène à penser que Bartolomeo Cristofori (1655-1731), lorsqu’il réalisa, vers 1709, le premier « gravicembalo col piano e forte » n’oeuvrait pas en terre totalement inconnue. Bien que plusieurs facteurs se soient intéressés presque simultanément au pianoforte (en all. Hammerklavier), la priorité doit être accordée au génie inventif de Cristofori. Il construisit non seulement le premier, mais encore un très bon pianoforte, dont la qualité technique ne fut pas dépassée au cours des soixante-dix ans qui suivirent.
Une épinette exécutée vers 1693 révèle la perspicacité créatrice qui guidait Cristofori dans la construction de ses instruments : deux angles curvilignes aigus prolongent la caisse de résonnance, dont la barre de sommier épouse la forme. Cette structure permet une répartition régulière de la tension des cordes sur toute la table d’harmonie. Mais Cristofori ne récolta pas dans son pays les fruits du succès de son invention, le pianoforte. Il s’écoula près d’un demi-siècle encore avant que le nouvel instrument ne devînt populaire, et ce furent les facteurs allemands et anglais qui lui assurèrent une audience généralisée.
Le point critique, qui donnait à tous du fil à retordre, était la mécanique. Elle était trop dure et la répétition se faisait mal; si l’on enfonçait la touche trop mollement, le marteau n’atteignait pas la corde. Mais si on l’enfonçait avec trop de force, le marteau rebondissait et percutait la corde plusieurs fois. Seul un mécanisme d’échappement approprié pouvait remédier à cet inconvénient; le marteau, conduit par la touche jouant le rôle de levier, doit se libérer du pilote à quelques millimètres de la corde pour la frapper et retomber librement jusqu’au moment où il est retenu par une attrape qui le tient prêt pour une nouvelle attaque.
Deux principes différents se sont développés et maintenus jusqu’à notre époque; la « Prellmechanik », appelée aussi mécanique allemande ou mécanique viennoise, et la mécanique dite à poussoir (Stossmechanik) ou mécanique anglaise. Bien que Cristofori ait conçu, en 1726 déjà, en se basant sur le principe qui allait devenir celui de la mécanique anglaise, une mécanique étonnamment perfectionnée, qui permettait un toucher sensible et précis dans une assez grande gamme de nuances, ce fut la mécanique viennoise, inventée vers 1770 par Johann Andreas Stein, qui, la première permit de créer un instrument qui répondit à toutes les exigences. Dans une lettre d’octobre 1777, Mozart se déclare enthousiasmé par les pianoforte de Stein. Ils étaient les instruments préférés des classiques viennois, qui appréciaient leur toucher léger et délicat, leur course brève (environ 6 mm), leur dessus chantant, en très bon équilibre avec les basses; aux avantages du clavicorde, ils alliaient un large éventail de nuances. Ils permettaient de conserver le cadre et les cordes utilisés jusque-là, alors que la mécanique anglaise, plus sonore et énergique, exigeait une résistance et une tension accrues des cordes, dont un cadre renforcé, des marteaux plus lourds et une course plus longue. C’est le développement de cette dernière mécanique qui devait conduire au piano moderne.
Le marteau, dans la mécanique viennoise, est articulé dans une sorte de fourche fixée sur la partie postérieure de la touche. Il est donc attaché à la touche. Dans les mécaniques primitives, le manche, ou tige, du marteau est maintenu par une barre transversale fixe qui s’étend sur toute la largeur du clavier. Dans la mécanique à échappement améliorée représentée ci-dessus, cette barre fixe est remplacée par un échappement mobile individuel pour chaque touche, qui, après la percussion, bascule en arrière. Au début, l’attrape était inexistante. Cette mécanique fut utilisée, sous une forme perfectionnée, jusqu’au XXe siècle par plus d’une firme (Bosendörfer).
Dans la mécanique anglaise, ou mécanique à poussoir, le marteau est articulé à une barre fixe et lancé contre la corde par un pilote rigide ou, dans les mécaniques à échappement, basculant vers l’avant, dressé sur la partie postérieure de la touche et qui pousse la noix du marteau. Comme la noix se trouver proche de l’axe, la percussion se fait avec un élan sensiblement plus grand que dans la mécanique viennoise. Mais le toucher est aussi plus dur. Grâce au mouvement de bascule vers l’avant du poussoir, le marteau peut, après l’attaque, retomber dans sa position de départ. Dans cette mécanique primitive, l’attrape n’existait pas.
Les derniers instruments de Cristofori avaient déjà, comme nous l’avons dit, une forme très développée de mécanique à poussoir, dans laquelle par l’intermédiaire d’un deuxième levier reliant la touche au marteau, la vitesse d’attaque et par suite le dynamisme étaient augmentés. Ce système fut repris vers 1745 par Gottfried Silbermann et développé par les facteurs de pianos anglais Zumpe, Tschudi et Broadwood. Les premiers musiciens qui prirent fait et cause pour les pianoforte anglais et leur vouèrent toute leur attention furent Jean-Chrétien Bach et Muzio Clementi. L’instrument avait déjà été présenté par Silbermann à Jean-Sébastien Bach, qui le refusa d’abord, car il était trop dur. En 1747 seulement, Bach prit connaissance à Postdam du pianoforte amélioré de Silbermann, dont la mécanique perfectionnée s’inspirait de celle de Cristofori. Cet instrument emporta sa complète adhésion.
Avec notre sensibilité acoustique actuelle, nous déclarerions bien insignifiantes les différences existant entre le jeu et le dynamisme d’un piano à queue de Stein et ceux d’un piano Broadwood vers 1780. On ne voulait ni ne pouvait remplacer du jour au lendemain l’idéal sonore du clavecin et du clavicorde par une conception tout à fait nouvelle, mais on désirait avant tout obtenir une plus grande gamme de nuances par un élargissement des possibilités dynamiques. Au début le pianoforte resta donc de construction légère. Cristofori savait sans doute déjà que sa mécanique à marteaux exigeait des cordes renforcées, une tension accrue et un cadre plus résistant. A cet égard, les premiers pianos anglais n’étaient pas suffisants eux non plus. L’on sait de quelle manière catastrophique Beethoven, avec les années, malmena son piano à queue Broadwood. L’équilibre entre dessus et basses était aussi, au commencement, très défavorable. Le XXe siècle seulement apporta cette harmonie de toutes les parties qui conduisit finalement à l’instrument d’aujourd’hui. Mais les pianos de Stein et de Streicher, à la fin du XVIIIe siècle, étaient des instruments parfaits pour l’époque. Le son argentin du clavecin représentait encore le plus haut idéal. Le cadre était entièrement en bois, les cordes minces et généralement doubles (deux cordes par touche), ou triples vers la fin du siècle, et parfois même quadruples après 1800 (Conrad Graf, 1812). Les marteaux étaient petits, légers et recouverts de cuir. La table d’harmonie restait mince, environ 4 mm, contre 8 à 10 mm sur les instruments modernes. Cela donnait une sonorité claire et délicate, très riche en harmoniques, d’une grande transparence même dans les basses. Jusqu’après 1800, l’étendue était généralement de cinq octavec, de fa01 à fa05.
Notre piano actuel est d’une qualité sonore si fondamentalement différente que la question est tout à fait fondée de savoir si la tentative d’interpréter Mozart sur des instruments modernes dans le style de l’époque n’apparaît pas comme absurde. On fabrique certes aujourd’hui des pianoforte semblables à l’instrument du XVIIIe siècle (voir p. 27). Mais alors qu’actuellement le clavecin appartient de nouveau à l’inventaire instrumental habituel, le pianoforte, lui, ne s’est pas encore imposé. La raison principale n’en devrait pas être cherchée dans ses particularités sonores, mais dans sa mécanique encore très imparfaite, qui ne répond pas à nos exigences. Cependant, il convient d’apprécier à sa juste valeur la reconstitution d’instruments anciens, car elle nous permet de retrouver la sonorité réelle de l’époque de Mozart. Et des artistes de renom s’emploient, au concert et par le disque, à faire revivre le pianoforte. Car c’est un instrument très caractéristique, inimitable et, dans son genre, d’une sonorité parfaite.
Décrire la multitude des formes spéciales et tous les essais tentés pour améliorer et populariser le pianoforte mènerait décidément trop loin. En premier lieu, l’imitation de la technique de registration du clavecin conduisit à différents changements de timbre, parfois fort bizarres : il y avait des jeux de basson, de luth, de harpe et de clavecin, des registres de timbales, de cloches et de musique turque, l’accouplement à l’octave, la boîte expressive, etc. De tout cela, seules deux ou trois « modifications » ont subsisté : la pédale forte (appelée tout simplement pédale), qui tient les étouffoirs relevés, la pédale douce, qui, par un déplacement du clavier, permet au marteau de ne frapper qu’une ou deux cordes au lieu de trois (ce dispositif existe encore sur le piano à queue), et, introduite plus tard par Steinway, la pédale de prolongation, placée entre les deux autres, qui a pour effet de tenir momentanément abaissées certaines touches isolées.
Primitivement, on actionnait ces divers registres au moyen de boutons manuels, plus tard au moyen de genouillères, et, à partir de 1780 environ, au moyen de pédales. Selon certaines opinions, l’emploi de la pédale de droite n’aurait pas encore été courant à l’époque de Mozart. En vérité, on l’utilisait déjà (souvent aussi il y avait deux pédales, l’une pour le dessus et l’autre pour la basse) sans, il est vrai – comme le firent les romantiques – s’écarter de la structure de la phrase et sans considérer a priori l’éclat qu’elle confère comme un facteur d’expression déterminant. Toujours est-il que des pièces comme par exemple le début de la Fantaisie en ré mineur de Mozart exigent sans aucun doute la pédale. Cristofori également avait déjà pensé au déplacement du clavier et parfois même il l’a accentué : on pouvait passer de trois aussi bien à deux qu’à une seule corde. De là vient la dénomination « una corda » (une corde) pour la pédale de gauche, courant aujourd’hui encore, mais incorrecte prise dans son sens stricte; de là aussi l’indication de Beethoven « nach und nach mehrere Saiten » (peu à peu plusieurs cordes) au début du dernier mouvement de la Sonate en la majeur op. 101.
Nous ne parlerons pas ici des différents modèles de pianos, comme le piano-girafe et le piano-lyre, l’ « orphica » (un petit piano portatif rappelant une guitare, voir p. 60), les pianos servant de secrétaires, de tables de billard et de tables à ouvrage. Mais nous mentionnerons deux formes développées surtout par le facteur Christian Ernst Friederici jusqu’après 1850 : le piano vertical et le piano carré. Dans le piano vertical, les cordes sont tendues sur une table d’harmonie qui s’élève en s’amincissant de chaque côté et dont le sommet est tronqué. Malgré une parenté certaine, ce piano-pyramide ne peut être considéré comme l’ancêtre du piano droit (pianino). La mécanique en était très rudimentaire et les cordes se trouvaient dans toute leur longueur au-dessus du clavier et non, comme dans le piano droit, en grande partie au-dessous de celui-ci. Il s’ensuivait une disposition de tout l’instrument fondamentalement différente. Une forme plus valable ne fut développée qu’après 1800 par Robert Wornum, Pleyel et Pape. La « ditanaclase » de Matthias Müller, construite à Vienne vers 1800, était sans doute déjà un modèle primitif de piano droit.
En considérant son apparence et sa disposition, on pourrait décrire le piano carré comme un clavicorde muni d’un mécanisme à marteaux. Et, en fait, il était à ses débuts aussi fragile et légèrement construit que ce dernier. Vers 1800, il devint plus résistant, les cordes plus fortes et plus longues, la table d’harmonie plus grande. Grâce au cadre en fonte, tout l’instrument gagna en robustesse; il occupa finalement presque autant de place qu’un piano à queue, sans pourtant atteindre la qualité sonore de celui-ci. Une importante amélioration fut apportée par le déplacement des chevilles, qui passèrent du côté droit, comme sur le clavicorde, à l’avant, immédiatement au-dessus du clavier, ou à l’arrière. Le piano carré fut très répandu jusque vers 1850. Pour en citer quelques-uns, les instruments de Haydn, Mozart, Cherubini et Schubert, ce dernier beaucoup utilisé (voir p. 56), ont été conservés.
Il nous reste à examiner le développement à partir de 1800, qui conduisit du pianoforte gracile du temps de Mozart, proche de l’idéal sonore du clavecin, à l’instrument moderne plus sombre et somptueux. Il est intéressant de noter que cette évolution se déroula en plusieurs étapes, entre lesquelles s’écoulèrent de longues périodes de stabilisation des acquisitions nouvelles. Au début, l’invention de Cristofori ne fut pas appréciée à sa juste valeur, surtout du côté des musiciens. Ils ne prirent par le nouvel instrument très au sérieux. Quant aux facteurs, ils n’étaient pas capables de suivre la perspicacité inventive de Cristofori et ne produisirent que des instruments médiocres. Le premier progrès fondamental fut le développement des mécaniques viennoise et anglaise, grâce auxquelles on créa les premiers pianofortes parfaits dans leur genre.
Beethoven déjà ne se contentait plus de l’instrument qu’on lui offrait. L’augmentation de la puissance sonore à partir de 1800 nécessitait des pianoforte plus grands, plus forts, plus éclatants. A l’époque de Beethoven, l’étendue s’élargit peu à peu, passant de cinq à six octaves et demie (ut01 – fa6). Parallèlement à l’extension des possibilités dynamiques s’opéra un changement décisif dans le caractère du timbre. Les cordes devaient être renforcées. Alors que la corde de clavecin correspondant à ut3 était encore de 0,235 mm de diamètre, la même corde atteint 1mm dans le piano moderne. Vers 1790 déjà, Erard introduisit les cordes triples. Ceci entraînait également une consolidation du cadre, car il devait supporter une tension des cordes fortement accrue. Vers 1800, elle était encore de 4500kg. Aujourd’hui elle atteint 20 000 kg. Des étrésillons de fer et un châssis de métal apportèrent une certaine amélioration, encore insuffisante, jusqu’au moment où Babcock, à Boston, munit le piano carré, pour la première fois en 1825, d’un cadre en fonte d’un seul bloc. Le piano à queue et le piano droit ne tardèrent pas à profiter de ce perfectionnement. Erard créa en 1821 la mécanique dite à répétition, avec double échappement, qui, simplifiée et améliorée par Henri Herz, constitue depuis 1840 la base sur laquelle repose la mécanique moderne du piano à queue. Les marteaux devinrent peu à peu plus lourds et leur attaque plus énergique. Une couverture de feutre remplaça la couverture de peau primitive (pour la première fois chez Pape à Paris en 1826). Chez Cristofori et Stein, les têtes de marteaux avaient un poids de 0,5 à 1 g; aujourd’hui elles pèsent 4,1 à 8,4 g. Toutes ces innovations modifièrent fondamentalement la sonorité du piano : elle s’enrichit dans les basses, s’appauvrit dans les aiguës et devint ainsi plus sombre, mais aussi plus volumineuse et d’une portée plus grande.
Ceci pose actuellement différents problèmes pour l’interprétation de la musique classique et des premiers romantiques. Le dessin clair de la ligne mélodique est plus difficile à rendre et, dans les basses surtout, les notes se fondent dans un tout indistinct. Cette sonorité est trop puissante pour la musique du XVIIIe siècle. Les accords graves en tierces sonnent d’une manière confuse, méconnaissable parfois; cela entraîne des déformations de la phrase musicale, comme par exemple des notes escamotées ou des transpositions à l’octave. Seule une grande sensibilité du bout des doigts permet d’exécuter de manière satisfaisante certains passages, par exemple dans l’Andantino de la Fantaisie en do mineur K.V. 475 de Mozart. Les indications de pédale données par Beethoven, comme dans le récitatif de la Sonate en ré mineur, dans le Finale de la Sonate Waldstein ou dans le Largo du Troisième concerto de piano, ne peuvent plus être prise à la lettre; elles doivent être modifiées de façon à respecter les intentions du compositeur.
Même le piano à queue des romantiques n’avait pas encore la sonorité sombre des instruments d’aujourd’hui. Les indications originales de Chopin, qui donnent souvent, lorsque l’harmonie est tenue, une progression mélodique à la basse avec la même pédale (exemple : Étude en do majeur op. 10 No 1, mesure 5) ne peuvent plus être respectées. Dans la sixième pièce des Kreisleriana op. 16, Schumann place une fois la mélodie dans l’octave située autour de l’ut1; cela sonnait sans doute de façon sublime sur les pianos de l’époque. Joué sur un instrument moderne, ce passage est plat et confus. Dans l’accompagnement des lieder du cycle La Belle Meunière de Schubert, surtout lorsqu’ils sont chantés par un baryton ou une basse, on est parfois obligé de transformer la phrase. Le reproche que l’on adresse quelquefois à Brahms d’écrire d’une façon trop dense, trop massive, ce reproche s’applique en réalité bien plus à notre instrument. Que l’on joue une fois la partie médiane de son Intermezzo op. 117 No 2 ou certains passages de la Sonate pour clarinette en mi bémol majeur sur un piano à queue de Streicher de 1870, la sonorité habituellement si facilement pâteuse gagnera à la fois en luminosité et en chaleur.
Ne manquons pas de mentionner que, dans la première moitié du XIXe siècle encore, l’attaque du marteau était beaucoup plus légère et sa course plus courte, environ la moitié de celle des pianos modernes. Ceci poussait, pour des raisons techniques autant qu’esthétiques, à des tempi plus rapides. L’on s’étonne en examinant les indications métronomiques données pour des études dites du degré moyen, comme l’École de vélocité de Czerny, des performances qu’elles impliquent. Chopin préconise également, dans ses Études, des tempi très rapides; avec raison on les joue aujourd’hui généralement un peu plus lentement. Rappelons encore que les touches étaient plus étroites et que c’est seulement dans la seconde moitié du siècle dernier que la norme actuelle s’imposa. Ainsi s’explique le fait que seules de très grandes mains peuvent jouer d’une manière parfaite un accord la bémol1- mi bémol2 – do3, répété rapidement et non arpégé, dans la Sonate en la bémol majeur de Weber. Autrefois, on atteignait cet accord sans peine avec des mains normales.
Les progrès accomplis après les transformations fondamentales du pianoforte au cours des premières décennies du XIXe siècle se rapportent principalement à des détails de construction : donc pas de changements décisifs. Mais revenons encore au grand essor du piano droit, dont les qualités techniques et acoustiques ont sans cesse été améliorées. Actuellement, les pianos droits de très bonne qualité ne le cèdent souvent en rien aux petits pianos à queue et, à certains égards, les surpassent même. Une innovation importante pour le piano à queue comme pour le piano droit fut, vers 1830, le croisement des cordes qui permettait d’une part leur allongement et une meilleure position du chevalet, d’autre part, par la superposition des cordes graves et aiguës, une meilleure résonance.
Une particularité des pianos de Steinway est « l’échelle Duplex », dans laquelle la partie de la corde située en arrière du chevalet a une longueur telle qu’elle vibre dans un certain rapport harmonique avec la partie frappée par le marteau (octave ou quinte). Blüthner avait poursuivi le même dessein avec son système de « l’Aliquot » dans lequel, au-dessus des cordes aiguës, étaient tendues des cordes non frappées, mais résonnant sympathiquement avec les cordes normales. L’étendue augmenta au cours de la deuxième moitié du siècle dernier et passa à sept octaves (la02 –la6), puis finalement à sept octaves et quart (la02 – do7).
Nous n’entrerons pas dans le détail des différents essais tentés en vue d’élargir les possibilités techniques par la multiplication des claviers (le piano de Janko construit en 1882 en avait six superposés) et par des systèmes d’accouplement, des mécanismes de pédales perfectionnés, des innovations électro-acoustiques. Le piano n’est certainement pas au bout de son évolution. Le piano à queue moderne est extrêmement riche en possibilités de nuances, en sonorités différenciées et capable d’obéir aux intentions subtiles de l’interprète. Finalement ce ne sont pas des dispositifs techniques, mécaniques ou électro-acoustiques qui déterminent la beauté de la sonorité, mais la sensibilité digitale et la force imaginative du pianiste.
Certes l’idéal sonore a changé et changera encore. Le timbre velouté, romantique, des anciens pianos à queue de Blüthner n’est plus guère en vogue aujourd’hui. Maints petits pianos anglais ou japonais possèdent une sonorité vive, extrêmement claire et précise, impropre à l’interprétation de Schubert ou de Chopin, mais charmante pour la musique ancienne comme pour la musique moderne. Les Steinway restent insurpassés pour la précision, la plénitude sonore, la richesse du timbre, et c’est avec raison qu’on les préfère dans le monde entier comme instruments de concert. La magie des pianos à queue de Bechstein réside dans leur sonorité chantante, riche en possibilités de nuances, qui les prédestine à la musique de chambre. Les instruments de Bosendörfer se rapprochent aujourd’hui de cette qualité et la dépassent même parfois. Chaque firme développe son propre type d’instruments, mais le caractère et la qualité des différents instruments d’une même firme restent toujours soumis à des fluctuations. Car un nombre infini de facteurs déterminent le timbre d’un piano. Et le prochain chapitre est destiné à provoquer un peu l’étonnement du lecteur par un aperçu des problèmes complexes de la facture des pianos droits et à queue.
Bonjour
J’aimerais savoir quelles sont les différences pour accorder un piano à queue et un piano forte?
Merci
Bonjour Carlos,
Les pianos à queue sont des pianos modernes avec cadre en fonte qui peut retenir une pression de 20 tonnes causée par les cordes donc, on peut accorder un piano à queue d’aujourd’hui au standard La=440Hz
Mais les pianoforte sont l’ancêtre du piano et souvent, ces instruments anciens n’ont pas de cadre en fonte et aussi, les cordes ne sont pas croisées.
Il faut donc en tenir compte et accorder ces pianoforte antiques à moins de La=432Hz
C’est à peu près la seule différence entre les deux pour ce qui est de l’accordage.