Histoire Du Piano 01

   Le piano est le dernier-né de la famille des instruments à clavier. Le terme allemand « Clavier » désignait très sommairement, à l’époque baroque, tout instrument muni d’un clavier, que ce soit un orgue, un positif, une épinette, un virginal, un clavecin ou un clavicorde. Et les maîtres de l’époque composaient très souvent leur musique sans la destiner précisément à l’un plutôt qu’à  l’autre de ces instruments. C’était le cas surtout dans les pays de langue allemande jusqu’à  l’époque de Bach.

    Vers 1750 encore, deux instruments à clavier avaient la faveur des musiciens : le clavecin, instrument de concert et de musique de chambre principalement, et le clavicorde, d’usage généralement domestique, réservé au jeu de soliste dans un cadre plus intime.  J.-S. Bach doit avoir destiné la plus grande partie de ses œuvres au clavicorde, son instrument favori.

Celui-ci était également, depuis son apparition, l’instrument d’exercice des organistes et il possédait souvent un mécanisme permettant l’adjonction d’un pédalier. Ceci explique aussi le fait que son étendue soit restée limitée, comme l’étendue usuelle de l’orgue, à quatre octaves (ut1 – ut5)

     Dans la seconde partie du XVIIIe siècle, le pianoforte concurrença de plus en plus fortement le clavecin et le clavicorde, mais il ne les supplanta que vers 1800. Beethoven encore – aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui – écrivit ses huit premières sonates (jusqu’à l’op.13) pour clavecin ou pianoforte.  Plus tard, il germanisa le terme de pianoforte et publia ses sonates avec l’indication « für das Hammerklavier ».

     Cette énumération sommaire des différentes formes prises au cours des siècles par l’instrument à clavier nous fait entrevoir la complexité de son histoire, dont nous allons suivre les détails, en exceptant toutefois l’orgue, auquel un volume de cette collection est consacré.

     Il n’est pas possible de déterminer à quand remonte l’apparition d’un instrument  à cordes muni d’un clavier. L’épinette la plus ancienne conservée jusqu’à nos jours, celle d’Alexandre Pasi de Modène, date de l’année 1493. Il semble que l’Italie des XIVe et XVe siècles ait fait œuvre de pionnier dans le domaine de la facture d’instruments.  Les témoignages écrits signalent l’existence d’instruments à clavier au XIVe siècle déjà.  Entre 1360 et 1560, il est fait mention dans plusieurs documents d’un échiquier (eschequier, en allemand Schachtbrett ou Schachbrett) vraisemblablement instrument à clavier, mais dont la manière de mettre les cordes en vibration reste purement hypothétique.  Car à cette époque, déjà se distinguent nettement les deux types de mécanismes qui coexisteront jusqu’au triomphe du pianoforte : la corde grattée, dite habituellement pincée, et la corde frappée.  Vers 1440, Henri-Arnaut de Zwolle décrit un mécanisme primitif de tangentes qui frappent les cordes : lors de l’abaissement de la touche, une tangente de bois plombée placée perpendiculairement sur sa partie postérieure est projetée contre (IMAGE) la corde et retombe après l’attaque, entraînée par son propre poids.

Ce mécanisme, perfectionné au XVIIIe siècle sur les instruments à tangentes de Schröter et de Späth & Schmahl, connut alors une vogue éphémère; on peut le considérer comme une forme primitive de celui de nos pianos actuels, dont l’histoire s’étend sur plusieurs  siècles.